Fin d’un parcours, cerise sur le gâteau (cerise dégorgeant d’une eau de vie assez corsée), l’exposition de Stéphane Arcas se présente de par son titre comme une provocation. Première erreur car chez lui il y a absence de frontière entre son art et sa vie, et si sa position face au monde adopte le registre de la provocation c’est que c’est l’unique réponse qui lui paraisse viable pour parvenir à surnager dans un univers définitivement envisagé comme dichotomique. Ce père à imaginé en observant ses fils, que ceux-ci lorsqu’ils manifestaient les sentiments bien humains de jalousie, d’envie, ou de colère, etc… manifestaient dès lors des tendances appartenant à un bord politique. La droite serait-elle alors, en partant de ce constat, manipulatrice de notions et d’idées infantiles; sûrement pas. En prenant ainsi position Stéphane Arcas s’inscrit au sein du rapport universel du bien et du mal. On pourrait alors trouver l’artiste présomptueux de manipuler ces notions là, mais celles-ci étant son mode d’analyse du monde, c’est avec le plus grand naturel qu’il en use. Dans l’exposition, la matérialisation d’une pièce close où seulement quelques visiteurs pourront accéder pour un bref tête à tête avec l’artiste, rejoint ce ressort d’une relation d’opposition : nous sommes en présence non pas d’un processus d’exclusion sociale comme on en vit au quotidien aujourd’hui, mais simplement d’un choix basé sur le hasard permettant à certains visiteurs d’accéder à un autre espace que celui de l’exposition. Pour les autres, patientant sur la moquette rouge au milieu de la chaleur étouffante de ALaPlage, ils ressentiront l’espace comme une proposition de représentation d’un certain enfer. Les autres, les rares personnes qui y accéderont, penseront être acteur d’un hors temps, un trou noir. Malgré tout pour les uns et les autres dans ce rapport du vécu et du non vécu nous leur donnons une piste vague cette phrase de Lewis Trondheim sur l’enfer qui permet je crois de saisir alors la complexité de l’univers de Stéphane Arcas : “L’odeur que l’on sent en enfer ce n’est pas le souffre, et la couleur de l’enfer ce n’est pas le rouge, en enfer il n’y a pas d’odeur, il n’y a pas de torture, il n’y a rien, parce que l’homme s’habitue à tous les excès mais pas à la monotonie, alors là-bas la vraie souffrance c’est d’être tout seul pour toujours dans un gris uniforme”.
Il est temps ici de stopper net les spéculations sur ce qu’est ou n’est pas la droite, oh pardon, mais plutôt sur les notions plus larges de bien et de mal, induites par la culture et l’éducation de chacun et de s’y reconnaître ou pas.
Stéphane Arcas propose un ressenti du monde dans une interprétation plastique à la fois agressive et régressive (dans la série de dessins animés ”le règne animal”) mais où parfois il arrive à extraire d’une contrainte une vision des plus poétiques (dans la vidéo “cabines de plage”). En se consacrant au travail présenté on discerne réellement qu’il n’est pas axé sur une proposition à proprement dite politique dans son entendement actuel au sein de l’art où les artistes tout à leurs prétentions face au monde rivalisent de propositions débordant outrageusement de bon sentiments et de “solutions” politiques et sociales. Non, souvent “Le Politique” se retrouve beaucoup plus pleinement au sein d’engagement très proche de ce qu’est véritablement l’artiste, au plus près de lui, de son intime et plus largement de son rapport au monde.
En modifiant par des cloisons et en habillant le sol de ALaPlage nous assistons vraiment à la mise en lumière d’un autoportrait abordé par le versant névrosé de l’artiste. C’est pour cela que je choisi pour une fois de continuer ce texte à la première personne. J’ai, certains le savent déjà, des liens étroits avec Stéphane, c’est pour cela que, fait rare à ALaPLage, je lui ai demandé de présenter des travaux relativement anciens et plus précisément une série de dessins aux feutres de couleurs sur papier format A4 réalisés depuis déjà presque 10 ans. Il est remarquable de voir que depuis 4 à 5 années ce type de dessins “réalistes”, voire comme il est parfois avancé “branchés”, ont envahi les galeries et les foires, reste à analyser une autre fois la prolifération de ces oeuvres légères et peu coûteuses. Ces dessins rarement voire jamais montrés ne sont pas comme ils veulent bien le laisser paraître une compilation de “bons mots” cyniques, mais avant tout les projections mentales d’un esprit rapide, réactif et donc profusionnel, une idée à la seconde donc un dessin en quelques minutes. Nous échappons heureusement à certaines de ces idées… celles trop vite apparues ont le bonheur d’aussi vite disparaître. L’univers ici abordé n’est pas tout à fait, malgré le langage “réaliste” du trait, alimenté uniquement par un rapport au “Pop”. Ces dessins sont construits par une culture propre et très variée allant effectivement de Miller en passant par Cassavetes, Janes Addiction ou/et Carl André, un registre aussi vaste, entraîne de par sa diversité la question de choix dans la construction d’une oeuvre. Mais si cette question est à soulever, dans le désir d’expérience artistique chez Stéphane Arcas il ne faut pas imaginer que cette profusion soit là pour masquer une absence de parti pris, au contraire son appréhension du monde en devient dangereusement pertinente de par son acuité à en englober sa diversité. Nous n’avons pas à faire ici à un travail de raccourci ou de pertinence dans l’art du résumé. Stéphane Arcas garde beaucoup de choses à l’état brut, que ce soit dans son champ plastique ou dans le champ du propos, l’un et l’autre évidemment se mouvant de concert. Il n’ y a pas de résignation à laisser ainsi les choses, c’est simplement un besoin de ne pas vouloir avoir tout tout de suite mais choisir une voie lente et difficile avec joie et obstination, malgré l’urgence d’une telle position nous assistons ici au travail de quelqu’un qui a la vie devant lui, non, pas de kleenex à l’horizon. Au final on se fout de savoir si les enfants sont de droite, je pense qu’ici l’enjeu est plus vaste, un enjeu simple, celui d’un artiste, une personne manipulant des données plastiques pour exprimer un propos on ne peut plus personnel.
L’exposition de Stéphane Arcas se résume simplement à cela de façon aussi complexe que cela.