Baudouin de Jaer a adapté la pièce de Stéphane Arcas en un opéra de chambre plein de force et de magie.
Une forêt, trois personnages déambulent entre les arbres et traversent différents univers: conte de fée, film d’horreur, psychanalyse,… Mais dans la forêt, tous les arbres sont radicalement identiques, ce qui n’aide pas à se repérer et l’on finit par se retrouver perdu, tombé de la nuit. Alors on cherche, on se cherche et peut-être qu’avec un peu de chance, on tombera sur la bague qui révèle tous les secrets…
Sur le plateau nu, habillé de la seule lumière, une comédienne (Cécile Chèvre) et deux chanteurs (Pauline Claes, mezzo-soprano et Patrick Kabongo, ténor), accompagnés en musique par l’ensemble Besides (neuf musiciens menés par le jeune chef prodige 18 ans Martijn Dendievel). Différents tableaux alternant chant, musique et texte parlé, évoquent obsessions, fantasmes et souvenirs d’enfance dans une réflexion sur l’amour, le couple, soi et l’autre. Cette quête introspective met en avant la question de l’identité et le rapport au monde, réel et/ou imaginaire.
Rêvant de s’attaquer aux voix, le compositeur Baudouin de Jaer a découvert « L’argent », une pièce de Stéphane Arcas qui fait partie d’une trilogie avec « La forêt » et « Le désert ». Le metteur en scène lui fait découvrir « La forêt » qui colle parfaitement à ce que souhaite le musicien qui revient d’un voyage où il a fait de la musique chez les Pygmées avec Aka Moon. Partant de la pièce, il y ajoute de la matière musicale pour en faire un opéra de chambre. « Une petite forme d’opéra, mais ‘petite’ dans le sens ‘réduite en effectif’ », précise Baudouin de Jaer. Et de fait, « La forêt » ne brade en rien la magie et la force de l’opéra.
« C’est une approche ‘contemporaine’, ajoute Stéphane Arcas, mais dans quelque chose de classique. Nous avons repris les codes de l’opéra comme la sonnerie qui retentit avant le spectacle et la présence de l’orchestre. Nous voulions essayer ce genre, avoir une vision contemporaine de l’opéra. Et l’économie de moyens n’a pas empêché, et a même nourri, notre travail ».
Paysage sonore
Le défi du compositeur était d’écrire pour des voix en rentrant dans un personnage, « comme si la pièce anime sa propre logique sonore, je suis parti du texte pour faire sortir le chant », dit-il. Le texte de Stéphane Arcas est repris quasi intégralement, sans modification significative. Ancien élève de Philippe Boesmans qui présente actuellement « Au monde », un opéra tiré de la pièce de Joël Pommerat (lire « L’Echo » du 29 mars dernier), Baudouin de Jaer n’a pas suivi les préceptes du maître. « Là où il me dirait de sortir de la matière pour aller à l’essentiel, explique-t-il, j’ai pris le texte comme il est, naturellement, en étant à l’écoute ». Il n’a pas plus appliqué à la lettre les leçons d’harmonie mais a travaillé de façon visuelle pour créer un véritable paysage sonore.
Et, en effet, le spectacle se déroule sur trois plans à la manière d’un triptyque, au centre, côté cour et côté jardin. Comme, par exemple, lorsque les musiciens semblent guetter ce qui se passe dans la clairière. Le regard passe d’un plan à l’autre, d’une scène à l’autre et la magie opère à chaque fois. On ne peut qu’espérer l’adaptation des deux autres volets de la trilogie.
« La forêt » de Baudouin de Jaer et Stéphane Arcas, jusqu’au 5 avril au Théâtre la Balsamine à Bruxelles.