Jeu 13-10-2011 : la libre Belgique, Camille de Marcilly
Pour le premier spectacle de sa saison, le Théâtre de la Balsamine frappe fort et juste avec une création de Stéphane Arcas qui porte un titre lourd de sens et de non-sens à la fois : « L’Argent ». Amusant ce titre qui exprime justement le contraire du chemin pris par Monica Gomez et Fabien Dehasseler ! D’ailleurs, il est très peu question d’argent dans ce spectacle qui ne fait pas référence au roman de Zola mais qui rôde plutôt autour du thème de la mort.
Il est difficile de cerner l’intrigue non linéaire qui s’inscrit dans une structure de rêve dans un rêve dans un rêve comme le note Stéphane Arcas tentant de livrer un « résumé improbable d’un projet « improbant », à prendre pour argent comptant« . Un homme discute avec une femme, infirmière, qui lui apprend sa mort. Son cerveau va lui être enlevé pour participer à une expérience qui devrait faire entrer son esprit dans le rêve de celui d’un autre et ainsi échanger leurs pensées inconscientes. A ce duo s’ajoute un médecin au comportement étrange qui s’intensifie au fur et à mesure des actes scientifiques, ainsi qu’à la fin, l’arrivée du directeur de l’hôpital, attendu depuis des années pour la conclusion de l’expérience. Au cours de leurs discussions, notamment entre le « patient » et l’infirmière, les personnages soulèvent de nombreuses interrogations quant au rapport de l’homme à la mort. L’homme, disent-ils, considère son temps comme de l’argent et se réfère à la mort pour en estimer la valeur. La vanité, au sens propre, comme au figuré, est omniprésente dans ce spectacle visuel à la forme particulièrement réussie. D’une beauté froide stupéfiante, le décor – signé Marie Szersnovicz – éclairé faiblement par quelques rais de lumière dévoile un sol recouvert de millions de confettis noirs, une table d’autopsie et des cervelles. Plasticien, Stéphane Arcas a créé une œuvre complète où les mots forment aussi une matière et où les sonorités et le rythme sont extrêmement travaillés. Portant ce texte, de formidables comédiens, Nicolas Luçon, Marie Bos, Philippe Sangdor et Claude Schmitz, livrent un jeu intense et fascinant. Si on frémit devant « L’Argent », on sourit aussi des jeux de langage, des références aux séries américaines, aux scènes médicales volontairement caricaturales. De tableau en tableau, comme une spirale, Stéphane Arcas nous emmène en voyage au-delà de la vie et brouille notre perception du réel : où commence le rêve, où commence la mort ?