Quel théâtre politique aujourd’hui ? Rencontre avec Didier Eribon : auto-analyse sociologique et théâtre contemporain

10 juillet à 14h30 – Conservatoire du Grand Avignon 1-3, rue du Général Leclerc

Il est nécessaire et urgent de parler à nouveau des classes sociales. Il faut s’efforcer à la fois de penser et de rendre visibles les différentes formes de la domination et les expériences vécues par celles et ceux qui les subissent. Comment articuler les analyses et les concepts à une pratique théâtrale contemporaine ? Quel théâtre politique aujourd’hui ? 
Didier Eribon (philosophe et sociologue), Antoine Laubin (metteur en scène) et Stéphane Arcas (auteur et metteur en scène) vous proposent un dialogue autour de ces questions.

Lecture de l’adaptation en cours par Stéphane Arcas de Retour à Reims avec Thierry Raynaud et Nicolas Luçon.

Didier Eribon est invité dans le cadre de la lecture de son texte Retour à Reims par le metteur en scène Stéphane Arcas qui en prépare l’adaptation au théâtre : au Théâtre des Doms – le 11 juillet à 18 heures.

 

texte d’ouverture de la rencontre:

 

Cette rencontre est annoncée ainsi et c’est notre choix commun:

Il est nécessaire et urgent de parler à nouveau des classes sociales. Il faut s’efforcer à la fois de penser et de rendre visibles les différentes formes de la domination et les expériences vécues par celles et ceux qui les subissent. Comment articuler les analyses et les concepts à une pratique théâtrale contemporaine ? Quel théâtre politique aujourd’hui ?

 

Cette dernière question est particulièrement large et délicate.

Car comme toujours cela dépend des envies de l’artiste.

Faut-il déjà qu’il ou elle souhaite faire un « spectacle engagé », avec une thématique qui parle de politique ou de société.

Mais s’il ou elle ne le souhaite pas, faire un spectacle engagé, on peut objectivement regarder la façon dont ce dernier a été réalisé.

On peut par exemple se demander d’où vient l’argent qui a permis de le faire : fonds publics, fonds propres, crowdfunding, ou autres ?

Cette création est-elle une mise en scène collective, genre « écriture de plateau » ou est-ce l’hégémonie d’un metteur en scène capricieux qui a permis sa réalisation?

Dans quel lieu et pour quel public ce spectacle a-t-il été créé?

Et puis, dans ce spectacle, de quelle façon se parlent les personnages, comment sont-ils habillés, et quelle est leur orientation sexuelle ?

Qui fait parti de la distribution de ce spectacle d’ailleurs?

Y-a-t-il des femmes de plus de 35 ans qui jouent ?

Et s’il y en a ont-elles une place centrale dans l’intrigue ou alors n’ont-elle qu’une présence subalterne mais utile à la narration dans une intrigue qui raconte la vie d’un personnage masculin ?

D’ailleurs, c’est sans doute un mec qui a écrit le texte.

Il est de type causcasien et il est vraisemblablement issu de la classe moyenne sup.

 

Mais alors en gros quel spectacle n’est pas politique ?

Le Théâtre est une aventure de groupe et comme tout groupe il a des comportements spécifiques et analysables.
Peu de chiffres circulent par contre, qui permettraient par exemple de connaître la place des femmes dans les institutions théâtrales.

Il n’y a pas non plus de statistiques qui montrent les origines sociales des gens du spectacle.

On sait par contre que parmi les personnes qui ont étudié dans des écoles d’art et qui ont changé d’orientation il y en a une proportion élevée qui par la suite occupent des postes élevés et à responsabilités dans d’autres secteurs.

Mais à l’intérieur même de ce petit monde du spectacle les disparités sont grandes en terme de revenus et de condition sociale.

Avec un statut social spécifique et une activité marginale il s’agit juste d’un sous-groupe au fonctionnement décalé au sein du secteur tertiaire.

 

Et hop ! Comme dans un ready made de Marcel Duchamp, où c’est la simple volonté de l’artiste qui transforme un objet manufacturé en œuvre d’art sans aucune intervention physique sur ce dernier, c’est ici le simple fait que le regard du sociologue se pose sur le monde du spectacle qui le transforme en objet politique.

Après il y a quand même des artistes qui mettent volontairement le politique au premier plan en créant ce qu’on appelle des « spectacles engagés ».

Il s’agit d’un choix artistique.

Douteux et maladroit parfois.

Réussis parfois.

Courageux souvent.

Il y a aussi ceux aussi qui s’engagent dans le militantisme en parallèle de leur activité artistique.

En fait il se passe la même chose que dans tous les autres milieux.

Et comme partout c’est par sa prise de conscience et par son éducation que le milieu du spectacle évoluera au côté du reste de la société en déjouant les pièges tendus par le conservatisme néolibéral et l’inculture.

Je trouve intéressant aujourd’hui de rencontrer Didier Eribon dans ce cadre car son regard sur les choses de la vie possède la solidité de l’analyse, la franchise du discours, une sensibilité forte et un grand courage d’opinion.

Et, mon collègue, ami et camarade de lutte Antoine Laubin pour à peu près les même raisons.

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