Par Suzane VANINA
Mais pourquoi, après quarante ans de quasi oubli, avoir exhumé cette relique ultra féministe ? Que reste-t-il du pamphlet rageur, aux envolées lyriques pour l’apogée espéré de S.C.U.M. ou Society for Cutting Up Men dont l’édition française portait le bandeau « Faut-il châtrer les hommes ? » On n’est pas plus clair dans les intentions, plus virulent, plus excessif. Comment considérer aujourd’hui « l’énorme crachat que Valérie Solanas renvoie aux hommes » ?
Sa parole véhémente est portée par une nombreuse distribution… d’hommes. Sauf quand l’un ou l’autre arrête sa déambulation pour venir à l’avant-plan, ils traversent de jardin à cour, en fond de mouvements latéraux continus, un plateau dénudé… spartiate : une réalisation qui tient plutôt de l’oratorio, sans effets, ni techniques, ni de jeu théâtral.
On appréciera, différemment qu’à l’époque, une certaine poésie malgré la crudité des propos, le ricanement ravageur sous le débordement verbal… Le texte commençant par « Vivre dans cette société, c’est au mieux y mourir d’ennui » et continuant par « Rien dans cette société ne concerne les femmes »… en 2011, le propos est-il vraiment et entièrement révolu ?
Divisée en chapitres, ou plutôt en paragraphes, la cinquantaine de pages du manifeste revisite les qualités et les rôles distribués homme-femme, et tous les aspects d’une société : « guerre, argent, conformisme, philosophie, religion, morale, autorité et gouvernement, mariage & prostitution »… comme « le travail contre l’automation, la paternité & la maladie mentale, le conformisme, le fonctionnalisme, les pavillons de banlieue »…Tout est passé en revue et mis à mal dans un grand mouvement dévastateur, en parfaite Anarchie au pouvoir.
Pamphlet radical soixante-huitard : une colère à recycler ?
Le S.C.U.M.-Manifesto sorti en 1967, largement vendu à l’époque sur les campus étasuniens en effervescence, il fit le buzz partout, comme on ne le disait pas encore ! Et puis c’est le silence. C’était la grande époque des « Editions des Femmes « et des mouvements dits féministes…
Deux femmes arriveront sur scène, après le texte de Solanas, elles aussi dans la simplicité, pour nous dire les mots de Stéphane Arcas, auteur autant que plasticien, qui a conçu et mis en scène ce projet insolite. Là, la remise en question portera plutôt sur le « je-tu-ça » ou comment arriver à (se) parler, à communiquer en tant que personne, unique.
Avec Arcas à la manoeuvre pour ce spectacle, parlerait-on de « pop art », de Warhol (lui dont Solanas a bien failli ôter la vie) ? C’est surtout le « Septième Jour » de cette Genèse pas catholique du tout, qui donne le ton de la nouvelle direction de La Balsamine : continuité et renforcement dans l’expérimentation tous azimuts.